De Archives Curieuses, Singularités, Curiosités et Anecdotes Nouvelles de La Littérature, de L’Histoire, des Sciences Des Arts, Etc, publiées par Guyot de Fère; Paris: Chez Guyot de Fère, editeur; 1834 [First of 2 issues that year]; pp. 161-3.












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Marie, sœur du duc de Brabant et femme de Phelippe-de-Hardi, n’était pas moins remarquable par son esprit que par sa beauté ravissante. Elevée dans une cour où les lettres étaient en honneur, elle en porta le goût sur le trône. On dit même qu’elle aida de ses conseils un célèbre poète de son temps, Adenez Leroi, qui lui dut une partie de sa réputation.

Il lui arriva ce qui d’ordinaire arrive aux personnes qui se livrent aux lettres: accoutumée à vivre en imagination parmi les peuples anciens; elle ignorait presque le mœurs des nations contemporaines. Aussi ne fut-elle pas peu sorprisé lorsque, quelques semaines après son mariage, son auguste époux lui proposa d’assister à la fête de l’âne. Marie, pensant à peine que Philippe ne plaisantait pas, prit à l’écart Adenez Leroi, et lui dit: “Etrangère à la France, c’est aujourd’hui surtout que je me repens d’avoir étudié l’histoire des différens peuples de l’antiquité, de préférence à celle d’une nation au milieu de laquelle j’étais appelée à vivre par les secrets destins de la Providence. Je sais que plusieurs peuples ont dressé des autels à certains animaux; que, par exemple, les Egyptiens adoraient l’ibis, parce qu’il les délivrait de serpens dangereux, et qu’à Rome tous les ans on portait des oies en triomphe, en souvenir de ce que ces oisaux spirituels, ou plutôt patriote, avaient réveillé les défenseurs du Capitole au moment du danger, et préservé le nom romain d’une ruine totale; quelque âne aurait-il donc eu aussi l’esprit de saveur la France?”

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“Madame, répondit Adonez, qui avait trop de bon sens pour ne pas sentir le ridicule d’une-semblable fête, vous povez sans rougir ignorer un usage qui fait notre honte ainsi que celle de nos ancêtres, et qui déposera auprés de nos derniers neveux de la conduite des hommes qui sont les intermédiaires entre nous et la divinité. Les insensés, qui prétendent l’honorer, comme ses ennemis s’y prendraient pour lui insulter et la tourner en dérision! Dans la fête de l’âne chaque antienne ou oraison est terminée par l’imitation éclatante du braiement de cet animal. Mais il est, madame, une autre fête encore plus scandaleuse, c’est celle des fous. Sans vouloir inculper l’intention qui y préside, je puis dire qu’elle offre le spectacle d’une vraie saturnale. Les ministres inférieurs de l’église, chantres et enfans de chœur, se permettent des danses et des chansons lascives jusque dans le sanctuaire, et contrefont ridiculelement, sur l’autel même, les plus saintes cérémonies.

Marie, sourit de pitié, en pensant que la religion d’un peuple d’ailleurs si spirituel était infectée de ces monstrueux écarts. Cependant la cour se rendit à l’église. C’était dans une campagne appartenante à La Brosse, favori de Philippe-le-Hardi. Les paysans stupéfaits contemplent avidement le brillant cortége du monarque, et, par respect, laissent les courtisans chanter, sans prendre part au mélodieux refrain. C’était une chose vraiment curieuse et risible d’entendre Philippe et tous ses officiers répéter de temps en temps: Hi-han! hi-han! han! Hi-han! hi-han! han! han! et de voir les épouvantables grimaces dont ils accompagnaient cette singulière symphonie. Les curieux écoutaient avec attention et disaient tout bas: Le comte de *** fait l’âne au naturel. C’est vrai, ajoutait un autre, mais est-il un âne qui puisse rivaliser avec le duc de ***? Assurément, reprenait un troisième; et je crois que si un âne entendait M. La Brosse, il le prendrait pour son frère. Tout le monde s’accordait à dire que Philippe en 163 approchait un peu, mais que cependant il était facile de ne pas le confondre avec l’animal aux longues oreilles.

La reine ne mêla point sa voix à ce singulier concert, mais elle ne put contenir son envie de rire quand elle entendit éclater autour d’elle les braiemens des flatteurs de Philippe.

Un plaisant ne trouvera rien que de naturel dans ce trait d’histoire; il vous dira: “Que me parlez-vous de la fête de l’âne et de celle des fous, comme de choses curieuses! . . . . . De nos jours on a célébre tant d’&ânes et tant de fous!”















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